Une lecture théâtrale en hommage à Camille Claudel, pourquoi ?

 


C’était au printemps 2003, je suis secrétaire au collège de Cluses depuis un vingtaine d’années… La 1ère raison m’ayant incitée à demander ma mutation pour le collège de Marignier est un désir de travailler avec et aux côtés d’une femme, chef d’établissement, et pas n’importe quelle femme ! Une femme empreinte d’humanité et de douceur que j’avais eu l’occasion de croiser quelquefois ! Une femme extrêmement sensible à l’art en général et notamment à la beauté des sculptures de Camille Claudel !

Je me souviens de notre premier rendez-vous dans son bureau : sur le mur, derrière elle, « la valse » de Camille… mes yeux y revenaient sans cesse…

J’ai su, à ce moment là, que le temps m’aiderait à honorer ce nom et à croire en la seconde raison m’ayant entraînée dans ce collège : on l’appelait « Collège Camille Claudel » et ce, en grande partie, grâce à sa principale.

Août 2003, me voilà donc secrétaire au quotidien d’une personne chaleureuse, compétente, travailleuse, persuadée que chacun, quelle que soit sa place dans l’établissement, à son rôle et un rôle éducatif à jouer, est une petite pierre pour l’édifice, est respectable et doit être respecté en tant que personne humaine ! Bien que certaines personnes ont essayé de me prouver le contraire, j’ai avancé sereine et battante, Camille et pleins d’amis à mes côtés !

Bernadette travaillait donc avec Bernadette … Encore un heureux hasard, nous portons le même prénom ! Choisissez-vous vite un surnom, m’a-t-elle demandé, je ne voudrais pas me retourner à chaque fois que l’on vous appellera !!! A la maison, c’est Babette, je serai donc Babette aussi pour le collège !

Je suis la plus heureuse des femmes – ma principale fredonne même de temps en temps des airs qui me sont familiers : du Lynda Lemay, c’est incroyable, elle aime chanter comme moi et sa voix mélodieuse me ravit ; nos goûts musicaux se rejoignent aussi !!!

… Une année riche en découverte, en confiance en soi, en partage… il aura suffit d’une année pour que nous restions amies, comme deux sœurs, de l’authentique !

Elle est partie l’année suivante, nous laissant toutes deux déconcertées, chavirées telle « la vague » de Camille ; quelque peu submergées par l’émotion… on se quitte sans un mot… à cet instant… le cri est muet, les larmes parlent d’elles-mêmes !!!

Mais moi je savais qu’un jour, je lui offrirai l’hommage qu’elle attendait et méritait pour avoir permis au collège de porter ce nom. Je ferai connaître et découvrir une sculptrice appelée Camille à la communauté éducative, aux élèves, à leurs parents et amis –

 

Un an s’est encore écoulé ; j’ai continué à jouer avec les mots, à écrire des poésies… J’ai imprimé mes deux recueils, j’ai avancé, moi aussi, avec toujours une Camille quelque part à mes côtés, comme un cri mais le cri de Camille est aussi un chant… et en octobre 2005, je me décide enfin à créer un club poésie au collège. Une vingtaine de sixièmes s’inscrivent… et nous voilà partis pour une belle aventure !

1ère question aux enfants : De quoi aimeriez vous que nous parlions ? Du racisme

1ère question des enfants : Et toi, que voudrais-tu que l’on fasse ? Parler de Camille Claudel.

Et là, j’entends : Qui est-ce ? Un homme ou une femme ? C’est le nom du collège ! Qu’est ce qu’elle a fait pour être connue ? Elle vit encore ou elle est morte ? Depuis quand ?
Voilà, le moment venu, tant attendu… je le tenais… alors sans réfléchir je leur demande :

Aimeriez-vous que je vous conte l’histoire de Camille Claudel, la tragédie que fut sa vie : l’histoire d’elle qui savait trouver l’exacte limite entre l’âme et le corps – Son enfance, sa passion, sa souffrance, son enfermement afin que le nom inscrit sur le fronton de votre collège représente quelque chose dans vos cœurs ?

Devant un OUI unanime et leur soif de curiosité, l’aventure pouvait vraiment commencer…

Cinq mois de rencontres et de découvertes, de patience et le soir du 14 avril 2006, avec 12 élèves du club poésie, nous avons présenté une lecture poétique théâtrale lors de la soirée de clôture des Semaines Nationales Contre le Racisme se déroulant au collège de Marignier…
Une jolie prestation de la part de chacun, très heureux d’avoir porté, à bout de bras et jusqu’au bout, une histoire aussi douloureuse et tellement poignante qu’elle ne peut que laisser quelques traces au bord de notre âme, quelques gouttes d’amour offertes au temps…

Mon Auguste Camille

Quand j’ai poussé la porte donnant sur ton histoire, j’ignorais tout de toi, de ta vie, ta vocation, des joies et des douleurs, la solitude et les souffrances qui t’ont ensevelie. Ce fut un choc, un électrochoc… des larmes, la rage, des questions, des interrogations.
Poussant encore un peu plus la porte, je voulais découvrir, tenter de comprendre ce qu’il y avait à comprendre.
Je voulais ressentir, me sentir prise au cœur de ta création, de cette passion innée, ancrée là dans la chair, à laquelle on ne peut qu’obéir…
Passionnée tu l’étais
Femme, artiste, génie,
Que sont les mots, après :
Tu nous laisses la vie

Toi la morte vivante,
Enfermée trente hivers,
Combien d’heures indolentes
Dans l’attente d’un frère ?

Tu avais beau crier
De ton beau cri muet !
Qui, un jour, s’est soucié
De t’aider pour de vrai ?

Quand tant de circonstances
S’acharnent sur un être
On voit mais on s’offense
De son désir de n’être

Qu’une reine pour son art
Convaincue de porter
Son destin et sa gloire
Tel un flambeau damné.

Babette (février 2006)

 

Voir l'article du "Dauphiné Libéré" consacré au voyage à la fondation Gianadda à Martigny

Voir l'article du "Dauphiné Libéré" consacré au spectacle

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